Les jardiniers amateurs se sont longtemps tournés vers les produits chimiques pour fertiliser leurs cultures, pour lutter contre les maladies des végétaux et pour repousser les nuisibles. Or, depuis le 1er janvier 2019, la loi Labbé leur interdit complètement l’usage des produits phytosanitaires de synthèse. De nombreux jardiniers ont alors découvert les vertus des préparations naturelles telles que les purins de plantes, les décoctions, les macérations et autres infusions de végétaux. Elles constituent désormais une véritable alternative écologique aux productions industrielles grâce à leurs propriétés répulsives, insecticides, fongicides ou stimulantes. De plus, elles sont économiques, simples à préparer et surtout, complètement respectueuses de l’environnement. Mais, quelles plantes choisir et comment confectionner soi-même ces potions ? Avec cet article, les extraits de plantes n’auront plus de secrets pour vous. Et vous serez en mesure d’entretenir votre jardin potager ou votre jardin d’ornement avec des solutions naturelles.
Les purins de plantes et autres préparations
Les extraits de plantes sont utilisés dans les modes de culture naturelle prônés par l’agriculture biologique et biodynamique. Ils entrent dans une démarche positive et respectueuse de l’environnement visant à garantir la santé du sol et des plantes pour procurer une alimentation saine aux hommes et aux animaux. Ils répondent donc à différentes problématiques actuelles comme la préservation de la biodiversité, la pollution des sols, la perte de qualité des aliments, etc.
Leur utilisation est souvent présentée comme une pratique ancestrale. Or, il existe peu de traces écrites de tels usages agricoles au cours de l’histoire. Certains spécialistes pensent même que certaines expérimentations ne remontent qu’aux années 1990.
Au cours des années 2000, les purins végétaux ont fait l’objet d’une vaste polémique. Leurs détracteurs dénonçaient des substances à usage phytopharmaceutique fabriquées et vendues sans autorisation légale. Les défenseurs voyaient au contraire dans ces produits inoffensifs pour la nature un moyen de s’affranchir de l’industrie chimique.
Après une longue bataille législative et juridique surnommée la guerre de l’ortie, la réglementation considère désormais les purins de plantes comme des préparations naturelles peu préoccupantes (P.N.P.P.). Cette appellation regroupe un ensemble de préparations issues de matières premières d’origine naturelle. Ces substances élémentaires sont répertoriées au niveau européen et par le Code de la santé publique. Elles sont reconnues comme n’ayant pas d’effets nocifs sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement.
L’activité principale des P.N.P.P. n’est pas phytopharmaceutique. Elles peuvent néanmoins servir pour protéger et fertiliser les cultures ou encore pour stimuler la croissance des végétaux.
Les extraits de plantes sont désormais couverts par cette réglementation. Leur procédé de fabrication nécessite peu de moyens. Et il est accessible à tous les jardiniers souhaitant élaborer différentes préparations naturelles à partir d’espèces végétales communes.
Les purins ou extraits fermentés
Les purins de plantes sont certainement les préparations naturelles les plus connues et les plus utilisées par les jardiniers. Ils sont également appelés extraits fermentés. Leur processus de fabrication fait effectivement appel à la fermentation de la matière végétale afin d’en extraire les principes actifs.
Quelle que soit la plante utilisée, la recette est très simple. Elle comprend les étapes suivantes :
- Récoltez 1 kg de plante que vous hacherez grossièrement ;
- Disposez les végétaux fraîchement récoltés dans un récipient que vous remplirez avec 10 litres d’eau ;
- Brassez le mélange une première fois puis laissez reposer ;
- Renouvelez le brassage quotidiennement tout en observant l’évolution de la fermentation ;
- Après 24 à 48 heures, des bulles signalent le début de la fermentation ;
- Lorsque vous n’observez plus de bulles, la fermentation est terminée et le purin est prêt (le processus peut durer entre 8 et 15 jours selon la température et les végétaux utilisés) ;
- Filtrez le mélange pour débarrasser la préparation des résidus végétaux.
Le purin végétal obtenu est très concentré en substances répulsives, insecticides, fongicides, fertilisantes ou encore stimulantes. Il est conseillé de diluer la préparation dans de l’eau (dans une proportion de 5 à 20 %) avant de l’utiliser en arrosage ou en pulvérisation sur les végétaux à traiter. Il convient d’employer le purin dans les jours suivant sa préparation. Mais, vous pouvez également conserver l’excédent pendant plusieurs mois dans des contenants fermés hermétiquement.
Les infusions
L’infusion est un autre excellent moyen d’extraire les principes actifs de plantes communes. Pour réaliser cette opération, rien de plus simple :
- Récoltez 100 g de plante ;
- Hachez grossièrement les végétaux et disposez-les dans un récipient ;
- Versez 1 litre d’eau bouillante ;
- Couvrez le récipient et laissez infuser (la durée est variable selon les plantes utilisées) ;
- Filtrez le mélange pour éliminer les éléments végétaux résiduels.
Les infusions conservent leurs propriétés fortifiantes, insectifuges et fongicides pendant quelques jours seulement. Diluez la préparation dans de l’eau avant de la pulvériser sur les parties aériennes des plantes.
Les décoctions
Les décoctions sont particulièrement adaptées si vous souhaitez extraire les propriétés d’une plante coriace (comme la prêle) ou des parties filandreuses et dures d’un végétal (racine, écorce). Le procédé allie les principes de la macération et de l’infusion :
- Récoltez 100 g de plante ;
- Disposez les végétaux hachés grossièrement dans un récipient rempli avec 1 litre d’eau (le volume recommandé peut varier selon les plantes utilisées) ;
- Laissez macérer durant quelques heures ;
- Couvrez le récipient et faites ensuite bouillir le mélange durant 20 minutes ;
- Filtrez le mélange pour purifier la préparation.
Après refroidissement, pulvérisez la décoction pure ou diluée (selon les végétaux utilisés) pour un effet stimulant, antifongique ou insecticide.
À l’image de l’infusion, il est préférable de préparer la décoction au moment d’effectuer le traitement, car sa durée de conservation est très courte.
Les macérations
Contrairement au purin, la macération permet de libérer les principes actifs des végétaux sans fermentation. Le procédé est ainsi plus rapide et plus doux notamment pour les plantes qui perdent leurs propriétés sous l’effet de la chaleur.
La macération demeure accessible à tous les jardiniers :
- Disposez 100 g de plante fraîchement récoltés et grossièrement hachés dans un récipient ;
- Versez 1 litre d’eau à température ambiante et immergez les végétaux ;
- Couvrez le récipient, placez-le à une température de 20 à 24 °C et laissez macérer (de 12 à 24 heures selon les plantes utilisées) ;
- Filtrez le mélange.
Fabriquez cette préparation en petite quantité et utilisez-la rapidement, car elle ne se conserve pas longtemps. Elle est employée en pulvérisation comme stimulant, répulsif ou pour combattre les maladies cryptogamiques.
Certains jardiniers utilisent la macération huileuse. Ils remplacent l’eau par quelques cuillérées d’huile d’olive, de tournesol ou de colza. La préparation est ensuite allongée avec un litre d’eau. Elle sera à nouveau diluée avant d’être pulvérisée sur les cultures.
Des préparations écologiques et économiques
La simplicité de fabrication des purins et autres extraits végétaux n’est pas leur seule vertu. En effet, ces produits naturels sont particulièrement économiques puisque leur fabrication nécessite uniquement un récipient, de l’eau et des plantes.
Quant aux végétaux utilisés, il s’agit avant tout de plantes communes et abondantes dans votre environnement immédiat. Par exemple, le pissenlit pousse dans toutes les prairies et l’ortie envahit le moindre mètre carré de jardin laissé à l’abandon.
Vous pourrez même utiliser les déchets provenant de la taille des cultures (comme les gourmands de tomates) ou de vos récoltes (comme les feuilles de rhubarbe après prélèvement des pétioles pour garnir les tartes).
Complètement écologiques et économiques, les extraits végétaux sont donc totalement respectueux de notre environnement. Et ils constituent des alliés précieux pour les jardiniers désirant s’affranchir des produits chimiques.
Les nombreuses vertus des purins de plantes
Que ce soit au jardin potager ou au jardin d’ornement, les extraits de plantes sont effectivement susceptibles de rendre de nombreux services au jardinier. Et la palette de leurs compétences est large.
Ils sont insectifuges grâce à leurs composés odorants. Ils repoussent préventivement et efficacement les insectes ravageurs sans les détruire (pucerons, acariens, mouches, etc.). Outre les insectes, certaines préparations sont de puissants répulsifs capables de faire fuir les vers du sol, les escargots, les limaces, les petits rongeurs et même les lapins ou les chevreuils afin qu’ils ne dévorent pas la récolte avant vous.
En cas d’infestation mettant les végétaux en danger, vous utiliserez néanmoins des préparations insecticides afin d’éliminer les insectes indésirables.
Les extraits végétaux ont également une action fongicide. Ils constituent ainsi un remède pour lutter contre les maladies cryptogamiques causées par un champignon microscopique (mildiou, oïdium, cloque, etc.).
De manière préventive, ils stimulent la croissance des plantes. Ils les aident à développer des mécanismes de défense naturelle (effet éliciteur). Les végétaux plus vigoureux sont alors plus résistants aux maladies et aux attaques de parasites.
Et les extraits végétaux agissent comme des fertilisants naturels. En arrosage au pied des plantes, ils améliorent la structure du sol. Ils apportent les éléments nutritifs nécessaires au développement des végétaux (sels minéraux, oligo-éléments, azote, etc.).
Les purins de plantes et autres décoctions constituent donc la base d’une phytothérapie naturelle tout en étant un engrais organique particulièrement efficace.
Les bonnes plantes pour les bons usages
Pour le jardinier, chaque plante est susceptible d’être un atout pour défendre ses plantes ou pour encourager leur croissance. Voici un tour d’horizon des espèces végétales les plus fréquemment utilisées :
- La consoude :
- purin,
- fertilisant et stimulant pour les jeunes plants, pour la croissance des fruits et légumes,
- arrosage, pulvérisation.
- La fougère :
- purin ;
- insectifuge et insecticide (pucerons et cicadelles), répulsif (taupins, limaces et escargots) et fertilisant ;
- pulvérisation, arrosage.
- L’ortie :
- purin et infusion ;
- fertilisant, stimulant, insectifuge (pucerons, acariens, carpocapse) et fongicide (mildiou, oïdium) ;
- arrosage, pulvérisation.
- Le pissenlit :
- purin ;
- fertilisant et stimulant, fongicide ;
- pulvérisation, arrosage.
- La prêle :
- purin, décoction ;
- insectifuge, insecticide, stimulant et fongicide (mildiou, oïdium, tavelure, cloque, rouille…) ;
- pulvérisation, arrosage.
- La rhubarbe :
- purin et macération ;
- insectifuge et insecticide (pucerons, chenilles, mouches, teignes), répulsif (limaces) ;
- pulvérisation.
- Le sureau :
- purin et décoction ;
- répulsif (taupes, campagnols et autres petits rongeurs) et insectifuge (pucerons, chenilles) ;
- arrosage, pulvérisation.
De nombreuses autres plantes se prêtent également à la confection de traitements naturels :
- L’absinthe (insectifuge et répulsif en purin et décoction) ;
- L’ail (fongicide, répulsif et insecticide en infusion, décoction et macération huileuse) ;
- La bourrache (insectifuge et fertilisant en purin) ;
- La camomille (stimulant, fongicide et insectifuge en infusion) ;
- La capucine (stimulant, fongicide et répulsif en purin) ;
- Le chou (fertilisant en purin) ;
- Le lierre (insectifuge et insecticide en purin et décoction) ;
- La tanaisie (insectifuge et fongicide en purin, infusion, décoction) ;
- La tomate (répulsif, insecticide et fertilisant en purin) ;
- La lavande, le genêt, l’armoise, le tabac, la rue officinale, l’eucalyptus, le noyer (insecticide en purin) ;
- La mélisse, la menthe poivrée, le raifort, la sauge officinale (répulsif en infusion) ;
- Etc.
Les limites des purins de plantes
Malgré leurs nombreux atouts, les purins de plantes présentent quelques inconvénients.
Le premier d’entre eux est certainement l’odeur particulièrement repoussante que dégage la fermentation des végétaux. Vous êtes prévenus !
Un autre défaut concerne la courte durée de conservation des décoctions, macérations et infusions. Elles doivent impérativement être utilisées dans les jours suivant leur préparation au risque de perdre toutes leurs qualités. Il faudra donc adapter les quantités préparées à vos besoins immédiats.
Par ailleurs, les extraits végétaux semblent plus efficaces en action préventive que curative. Dans ce dernier cas, un seul traitement sera souvent insuffisant. Il sera alors nécessaire de renouveler l’opération à quelques jours d’intervalle.
Mais les purins végétaux souffrent principalement d’une opposition entre les détracteurs qui avancent l’absence de preuves scientifiques de leur efficacité et les jardiniers se basant sur leurs observations positives.
Cette différence de point de vue tient sûrement au fait que l’utilisation des extraits végétaux n’est pas une science exacte. En effet, le procédé est plutôt empirique. Chaque jardinier fait ses propres expérimentations. Et d’un jardin à l’autre, les résultats peuvent effectivement varier selon le mode de culture adopté.
Quelques conseils pour réussir vos préparations
Pour conclure, voici quelques conseils qui vous permettront de vous lancer dans la fabrication de vos extraits végétaux dans les meilleures conditions.
Des conseils pour la cueillette des végétaux
- Cueillez des végétaux sains et ne prélevez que la quantité nécessaire à votre usage ;
- Évitez de cueillir les plantes au bord des routes et dans les champs cultivés et traités chimiquement ;
- Portez des gants pour cueillir et manipuler les végétaux. Certains sont épineux ou urticants ;
- En dehors des périodes traditionnelles de cueillette, utilisez des végétaux séchés en remplacement des plantes fraîches (pour le purin, prévoyez alors 100 à 250 g de végétaux séchés pour 1 litre d’eau).
Des conseils pour la préparation des extraits végétaux
- Utilisez des récipients en bois, en terre, en inox, en plastique ou en verre. Bannissez les contenants métalliques en raison des risques d’oxydation ;
- N’installez pas votre récipient trop près de la maison au risque d’être incommodé par l’odeur nauséabonde de la fermentation des végétaux (conseil valable également pour le voisinage !) ;
- Choisissez un emplacement extérieur abrité des écarts de température pour réaliser vos préparations (le processus de fermentation se développe à une température comprise entre 15 et 25 °C et, plus la température ambiante est élevée, plus le processus est rapide) ;
- Choisissez votre procédé de fermentation : en aérobie (la méthode traditionnelle en présence d’air) dans un récipient simplement couvert ou en anaérobie (la méthode sans air réputée plus efficace) dans un récipient fermé hermétiquement ;
- Préférez l’eau de pluie ou de source pour vos préparations. Le chlore contenu dans l’eau du réseau communal est nocif pour les micro-organismes intervenant dans la fermentation ;
- Ne mélangez pas différentes espèces végétales pour la fabrication des extraits végétaux ;
- N’ajoutez pas d’autres produits (comme les huiles essentielles) dans vos préparations (néanmoins, il semble possible d’ajouter de la poudre de roche ou de l’argile fine afin d’atténuer l’odeur de la fermentation) ;
- Enfermez les végétaux dans un sac en toile de jute lesté pour faciliter leur immersion et limiter la dispersion de fragments dans les préparations ;
- Intégrez les déchets végétaux provenant des préparations dans le compost (certains extraits végétaux ont la propriété d’activer sa décomposition).
Des conseils pour l’utilisation de vos préparations
- Filtrez soigneusement la préparation avant la pulvérisation ou la conservation (la filtration peut être plus grossière pour les arrosages) ;
- Diluez les extraits de végétaux dont la forte concentration en principes actifs pourrait être nocive pour les plantes ;
- Ne mélangez pas différents extraits végétaux entre eux ;
- Lors des arrosages, évitez de mouiller les parties aériennes des plantes, car certaines préparations peuvent les brûler ;
- Effectuez les pulvérisations tôt le matin ou tard le soir et bannissez les interventions en plein soleil (risque de brûlure des plantes) ou en zone exposée au vent (dispersion du traitement) ;
- Attendez quelques jours avant de consommer les plantes, fruits et légumes traités. Et rincez votre récolte avant consommation.
Des conseils pour la conservation des purins de plantes
- Utilisez des contenants opaques remplis complètement, fermés hermétiquement et étiquetés (nom de la préparation et date de fabrication) avant de les stocker à l’abri de la chaleur et de la lumière ;
- Tenez votre réserve hors de portée des enfants et des animaux.
Frédéric CANET pour Ateliers écolos
Sources :
- Futura Sciences – Purin : qu’est-ce que c’est ?
https://www.futura-sciences.com/maison/definitions/jardinage-purin-19454/
- Rustica – Traiter et enrichir naturellement le jardin avec les plantes
https://www.rustica.fr/jardin-bio/traiter-enrichir-jardin-avec-plantes-8-remedes-naturels,2090.html
- Le Journal des Femmes Jardin – Les purins de plantes : à quoi servent-ils au jardin ?
- Société Nationale d’Horticulture de France – Protection des plantes, tradition et macération d’ortie – Regard du conseil scientifique – Édition 2012
https://www.jardiner-autrement.fr/wp-content/uploads/2016/12/purin-ortie-bd.pdf
- Académie des biostimulants – Faire la distinction entre les biostimulants et les PNPP
- Jardiner malin – Des potions magiques comme engrais et traitement
https://www.jardiner-malin.fr/fiche/potion-magique-jardin-engrais-traitement.html
- Au jardin – Les traitements au jardin naturel
https://www.aujardin.info/fiches/traitements-jardin-naturel.php